Admiraal Tromp, paru en 2003, prend la forme d’une épopée navale grotesque pour évoquer, au milieu des troubles de l’adolescence, l’effondrement, pressenti et à venir d‘un empire colonial, celui des Indes néerlandaises, que nos écrivains exotiques appelaient Iles de la Sonde, où Rimbaud lui-même s’essaya brièvement à une vie nouvelle sous l’uniforme hollandais, et qui devait plus tard, au terme de la guerre d’indépendance d’après 1945, devenir l’Indonésie actuelle. Cet adolescent, accompagné d’une grand’mère toute-puissante, de la bonne javanaise de la famille : Njei et d’un père évanescent, agronome spécialiste de la bosse graisseuse du zébu, tente, aux côtés de plusieurs centaines d’autres « rapatriés » à bord un paquebot réquisitionné, l’Admiraal Tromp, de gagner une mère-patrie inconnue pour échapper aux envahisseurs japonais en 1941. D’escale en escale, des iles Andaman à Goa puis à Gwadar et Suez, le navire accumule les obstacles et retards, au grand bonheur du héros. A bord, zombies et pantins mêlés, la vie bat son vide, hésitant entre Montagne Magique et Nef des Fous, tandis que là-bas en Zélande, la mère meurt doucement dans un sanatorium. Mais le retour en Europe est finalement interdit par les succès nazis ; il ne reste plus à l’ado, devenu « Hollandais volant » dans sa tête, qu’à y aborder sur sa côte la plus mythique qui soit, celle de l’Illyrie, lieu géométrique des Méditerranées, pays qui arbore sur son drapeau fleurs et fruits de l’arbousier et la folle devise Justice & Poésie. Gourmands de polyglossie, friands de pastiches, familiers des mélanges de genres, ne pas s’abstenir !

2003, éditions Joca Seria Nantes, isbn 2-84809-007-3
16 euros, disponible chez l’éditeur

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